Félicitations, BeReal.
Dans un Internet rempli d’espions manipulateurs, l’émergence de nouveaux acteurs bienveillants comme BeReal est une victoire pour nous tous.
Internet est un endroit merveilleux. Il rend le savoir accessible instantanément, il permet à n’importe qui de pouvoir s’exprimer et d’être entendu par des millions de personnes, il rend les liens entre humains plus faciles, il rapproche mais divise tant en même temps.
L’Internet d’aujourd’hui est en réalité, au-delà d’un monde virtuel, une infrastructure matérielle où de nouvelles façons de générer de l’agent ont émergé, qui ont gâché le rêve qu’il était il y a encore une décennie.
Des générateurs d’argent.
Les sites internet les plus visités sont bien connus de tous : dans l’ordre, Google, Facebook (Meta), Youtube (Google), Wikipédia, Amazon, Instagram (Meta)… Sur ces six services, un seul est le produit d’une organisation à but non lucratif. Où est le problème ? Une entreprise doit bien se faire de l’argent, comment fonctionnerait-elle, sinon ?
Le problème est que ces entreprises, Google et Meta notamment, proposent des services gratuits : elles ne demandent pas d’argent en échange. Alors, pour générer des profits, un système publicitaire inédit est mis en place. Lorsqu’on fait une recherche sur Google, regarde une vidéo sur YouTube, aime une publication Instagram, ou même lorsqu’on commence à taper un commentaire sur Facebook, ces entreprises collectent des données et déterminent un profil pour chaque utilisateur, jusqu’aux plus petits des détails de sa personnalité, selon son interaction avec le produit, et même avec d’autres sites.
Ainsi, elles savent si nous serions plus intéressés par ce nouveau jeu vidéo, ou par cet appareil photo pour débutant. Elles peuvent alors se permettre de vendre leurs publicités aux annonceurs à un prix très élevé, puisque les personnes qui la verront auront bien plus de chance d’acheter le produit, contrairement à la télévision, où le ciblage reste limité à l’horaire et à la chaîne.
De la manipulation assumée.
Cette histoire, on l’a déjà entendue tout un tas de fois. Outre le fait qu’il est dangereux qu’une entreprise privée sache autant de choses sur nous, elles emploient aussi des méthodes très contestables pour maximiser leurs bénéfices, les « interfaces truquées » (dark patterns).
On peut notamment penser au principe du like sur Instagram qui rend accro, à la lecture automatique de YouTube qui nous pousse à passer le plus de temps possible sur la plateforme (on ne parle même pas de TikTok…), dans le but de voir le plus de publicité possible.
Il existe également des méthodes plus subtiles. Par exemple le fait de cacher certains réglages, comme ceux du traitement des données personnelles, au fin fond d’une interface et en adoptant un langage peu clair, pour nous empêcher de minimiser la collecte de données (si ces réglages sont respectés), et ainsi générer un maximum de revenus. Il ne s’agit là que d’une infime partie des méthodes employées.
Évidemment, on peut ne pas être passif face à ces méthodes, mais il n’empêche qu’elles sont employées. Il est d’ailleurs difficile de les remettre en question, tellement elles peuvent sembler évidentes.
Les réseaux sociaux, eux, peuvent avoir d’autres impacts, notamment sur la santé mentale. Par exemple, on peut observer sur ces plateformes la promotion d’un idéal, reflétant la société, qui touche principalement les adolescents : je dois être maigre / musclé, me maquiller pour cacher mes boutons, m’habiller comme ci, ressembler à ça… ce qui retire de leur authenticité aux individus. On a envie de ressembler aux autres pour plaire, et plus à soi.
On sait aussi que les réseaux sociaux nous recommandent du contenu selon ce que nous regardons déjà, pour maximiser le temps passé dessus. On se retrouve alors enfermé dans ce que l’on nomme « la bulle de filtre ». Nous ne regardons que des choses que nous regardons déjà, et sommes ainsi exposé qu’à des contenus qui vont nous plaire ou qui vont confirmer ce que l’on pense, et ne serons jamais confrontés à d’autres opinions. Cela nous place dans un état d’isolement intellectuel, on croit nos idées être les seules possibles.
De nouveaux acteurs engagés.
Heureusement, face à ces entreprises et ces mauvaises pratiques qui abondent sur Internet, d’autres font le choix radicalement inverse. C’est notamment le cas de la Fondation Wikimédia, propriétaire de Wikipédia et autres, de Mozilla, qui travaille tous les jours à un Internet plus honnête, Signal, qui protège nos conversations et relations en ligne des regards malveillants, et d’autres acteurs engagés.
Du côté des réseaux sociaux, nous avons sûrement tous entendu parler du petit nouveau, BeReal. Créé en 2020 par deux français, il naît du désir de retrouver l’ancienne simplicité des réseaux sociaux : partager ses moments à soi avec ses vrais amis, à travers une interface qui ne cherche pas à nous perturber. Elle n’emploie pas de dark pattern, et ne cherche pas à se faire de l’argent sur nos dos. Avant d’ajouter un ami, elle nous prévient même : « Ne te sens pas obligé d’accepter toutes ces demandes d’amis. » ; « La puissance de BeReal vient de la proximité de tes connexions, pas de la quantité. »
Il s’agit là d’un phénomène qui est en train de s’amplifier, et dont BeReal ne fait que témoigner. Marre de promouvoir la « perfection » sur les réseaux sociaux au lieu de se montrer comme nous sommes. Marre d’être le produit vendu à des publicitaires. Marre d’un Internet divisé. Et l’envie de retrouver un Internet paisible, où chacun peut se montrer comme il est, et où chacun est libre de naviguer sans être espionné et manipulé.
Des victoires comme celles de BeReal font plaisir à voir. Malgré le fait que tout le monde ne soit pas conscient de ce que l’arrivée d’un tel réseau social sur Internet représente, le fait qu’il est aujourd’hui utilisé par des dizaines de millions de personnes montre à quel point il répond à une envie partagée : revenir aux bases qui convenaient à tous.
Dernière mise à jour : 31 mars 2023